Traverser la Manche en un WE

Il y a les rêves que l'on a et ceux que l'on se crée. Il y a aussi l'imaginaire collectif qui crée des rêves. Parfois ces rêves sont des fantasmes. La différence entre les deux est le caractère inaccessible du second.
Avec le tour du monde, j'ai pu voir + d'étoiles scintiller dans les yeux de ceux à qui j'en parlais que dans les miens peut-être. J'ai souvent dépeint l'expérience en disant que c'était simplement un voyage où l'on prenait beaucoup l'avion.
Cela fait un peu de temps que j'ai découvert la voile avec B. Traverser la Manche est une expérience unique et qui s'apparente à un rêve. On avait cette idée, ce projet depuis plusieurs années maintenant. Et est venu ce moment où c'était possible : le bateau est prêt, l'équipage est constitué, la motivation est présente, et sur la fenêtre météo que l'on s'était donnée, la météo est favorable. Pour de nombreuses raisons, j'étais empli de stress et d'angoisse la veille du départ. Puis à un moment : « c'est parti, GO ! ». Nous avons pu s'inscrire chacun de nous trois vers la réalisation de ce rêve.

Après étude du vent, de la houle, du courant ; après le choix de notre port d'arrivée (Marina May Flower à Plymouth) ; après avoir tenu informé les personnes à terre de notre projet ; après avoir avitaillé le bateau et embarqué nos affaires, nous avons — littéralement — largué les amarres.
Départ à minuit le vendredi soir pour une traversée estimée entre 14h et 18h. Rotations en quart de nuit, lutte contre « les 5 F » en permanence, désorientation par l'environnement nocturne, veille constante tant visuelle qu'aux instruments (carte, GPS, VHF, AIF), calcul pour slalomer entre les cargos dans fameux rail de la Manche.
Arrivée à 19h au port. Nous sommes rincés et la perspective de marcher 25 minutes pour manger à un resto est dure : je tiens sur les nerfs toute cette veille, j'ai mal à la tête et le mal de terre fait tout tanguer autour. Finalement cette Bière+Burger dans un lieu atypique nous requinque. Douche puis dodo car demain c'est départ à l'aube. Lundi la météo ne nous plaît pas, alors on fait ce que l'on s'est amusée à appeler un “GoFast”.

Le trajet retour est + agréable que l'aller : on passe la majorité de la traversée à la voile et on a moins l’appréhension de croiser ces énormes cargos. Une brume s'installant ne facilite pas la veille visuelle (visi à 4NM) et un point AIS est obligatoire toutes les 5 minutes. Nous retrouvons le port d'attache de Trébeurden à minuit.

Nous aurons parcouru 2×100NM en 48h, ce qui donne une moyenne honorable de 4,1 nœuds, bière et dodo inclus !
Au final nous n'avons eu aucune mauvaise surprise. Mais je garde en mémoire ce moment où nous avons somnolé simultanément pendant 10 minutes et quand j'ouvre les yeux, je vois un cargo derrière à 2NM de nous. Petite frayeur tout de même !
Toutes ces choses ont fait que ce rêve était réalisable. J'en dirais maintenant que je n'avais pas tant de raisons de m'inquiéter, et je suis prêt à d'autres expériences similaires.